Le promoteur ne peut pas récupérer les parcelles illégalement préemptées, s’il n’était pas exactement mentionné comme bénéficiaire dans la DIA

Si une décision de préemption fait échec à son projet, le promoteur a évidemment la possibilité de la contester en justice, et, en cas de succès, d’obtenir que les parcelles illégalement préemptées lui soient proposées à l'acquisition (article L 213-11-1 du code de l’urbanisme).

Le juge administratif a d’ailleurs le pouvoir de faire assurer l’exécution de sa décision d’annuler une décision de préemption, en ordonnant que le titulaire du droit de préemption propose le bien illégalement préempté à l’ancien propriétaire puis à l’acquéreur évincé.

Encore faut-il cependant que le promoteur soit précisément mentionné comme le bénéficiaire de la vente dans la déclaration d’intention d’aliéner (DIA) déposée en mairie par le notaire.

Or, il arrive fréquemment que le promoteur use de la faculté de se substituer à une autre personne juridique, voire rachète le projet conçu par une autre société et obtienne le transfert à son profit des autorisations d’urbanisme.

Telle est la situation qu’avait à trancher la Cour administrative d’appel de Douai dans son arrêt du 4 février 2020 (CAA Douai, 4 février 2020, req n°18DA02428) :

Un promoteur a réussi à faire annuler une décision de préemption par le tribunal administratif, puis a demandé à ce même tribunal d’assurer l’exécution de son jugement en enjoignant à la commune de lui proposer d’acquérir les parcelles illégalement préemptées.

La cour administrative d’appel approuve le tribunal administratif d’avoir refusé de prendre une telle mesure d’exécution, après avoir recherché précisément si le promoteur pouvait bien revendiquer la qualité d’acquéreur évincé : avocat preemption

► Le promoteur n’ayant pas la qualité d’acquéreur évincé, la commune n’était pas tenue de lui proposer l’acquisition des parcelles illegalement préemptées

« Les propriétaires des parcelles cadastrées section AB n° 118 et n° 120 et ceux des parcelles cadastrées section AB n° 118 et n° 120, situées sur le territoire de la Commune de V…, ont déposé, respectivement les 23 et 29 juin 2015, une déclaration d’intention d’aliéner auprès de la commune de V…. Par une délibération du 4 août 2015, le conseil municipal de V… a exercé son droit de préemption sur ces cinq parcelles.

Par un jugement du 23 mai 2017, devenu définitif, le tribunal administratif d’Amiens, à la demande de la SARL RD, a annulé cette délibération du 4 août 2015, motif pris de ce que la commune ne justifiait pas d’un projet d’aménagement.

La SARL RD, se prévalant de sa qualité d’acquéreur évincé, a demandé à ce tribunal qu’il soit ordonné à la commune de V… de lui proposer d’acquérir ces parcelles en exécution de ce jugement. La société relève appel du jugement du 2 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif d’Amiens a rejeté sa demande… preemption

L’annulation par le juge de l’excès de pouvoir de l’acte par lequel le titulaire du droit de préemption décide d’exercer ce droit emporte pour conséquence que ce titulaire doit être regardé comme n’ayant jamais décidé de préempter. Cette annulation implique nécessairement, sauf atteinte excessive à l’intérêt général appréciée au regard de l’ensemble des intérêts en présence, que le titulaire du droit de préemption, s’il n’a pas entre temps cédé le bien illégalement préempté, prenne toute mesure afin de mettre fin aux effets de la décision annulée.

La SARL RD n’établit ni même n’allègue qu’elle aurait été bénéficiaire de la promesse de vente signée par les propriétaires des parcelles cadastrées section AB n° 118 et n° 120, visées par la déclaration d’intention d’aliéner déposée le 23 juin 2015, et de celle signée par les propriétaires des parcelles cadastrées section AB n° 118 et n° 120, visées par la déclaration d’intention d’aliéner déposée le 29 juin 2015.

Si le protocole d’accord conclu entre la société OP, titulaire d’un permis d’aménager un lotissement de neuf lots à bâtir sur ces cinq parcelles, et la SARL RD, a prévu que “ une substitution de promesses sera régularisée pendant les délais de transfert du permis d’aménager “, la SARL RD n’établit pas avoir été effectivement substituée à la société OP, mentionnée comme acquéreur dans cette seule déclaration d’intention d’aliéner déposée le 23 juin 2015.

Et si, par un arrêté du 20 mars 2015, le permis d’aménager un lotissement de neuf lots à bâtir sur ces cinq parcelles, initialement délivré à la société OP le 19 mars 2014, a été transféré à la SARL RD, ni cette circonstance ni celle que cette société a obtenu l’annulation de la décision de préemption ne suffisent à lui conférer la qualité d’acquéreur évincé.

Ainsi, la SARL RD n’ayant pas la qualité d’acquéreur évincé, la commune n’était pas tenue, en exécution du jugement du 23 mai 2017 du tribunal administratif d’Amiens, de lui proposer l’acquisition des parcelles cadastrées section AB n° 2, 118, 120, 122 et 123. »

Pour se prémunir la possibilité de tirer les conséquences de l’annulation de la décision de préemption, le promoteur doit donc redoubler de vigilance sur les informations mentionnées dans la déclaration d’intention d’aliéner (notamment à la rubrique G du formulaire CERFA de déclaration d’intention d’aliéner). avocat